Carnet de bord

Publié le par mag

Pour me consoler, ce soir-là, on a quand  même fait peut-être 300 km après la réparation de fortune du camion ! Ca va, je n'aurais pas fait ça à vélo !
J'ai passé trois jours avec ce Féodor, de Mowkobo à Tyayh. Trois jours à essayer de parler avec lui et de comprendre ce qu'il me racontait, trop vite, sans articuler et à s'agacer quand je ne comprenais pas ... Trois jours entre deux et trois paquets de cigarettes par jour, dont une trop grande partie a bien du finir dans mes poumons ! S'il faut un jour dégoûter un gamin du tabac, je pense que ce traitement est radical ! Franchement, je ne comprends pas comment on peut s'imposer ça volontairement ... Les yeux qui piquent, la langue pâteuse, râpeuse, la gorge et le bout de la langue amères ... l'horreur ... Et, effectivement, aucune envie de manger après ça ! Le troisième jour, où on est entrés dans l'oblast d'Irkoutsk, a été le pire : énervé par deux amendes qu'il s'est ramassées à la suite, il a fumé encore plus et, comme la route était par intermittences un infâme chemin de terre battue, de caillasse, d'asphalte déchiquetée, plein de creux et de bosses, la faible vitesse ne permettait plus l'appel d'air par le toit ouvrant (ben oui, camion russe : vitres électriques en panne ...) Ce jour-là il a forcé sur la mécanique (et les amortisseurs !) et sur lui-même (il était fatigué et, vu la difficulté de la route, je peux comprendre ça !) pour atteindre Tyayh, où nos routes se séparaient. Et là, peu avant onze heures, pas encore par nuit noire mais ça s'en approchait, car le rond-point où les directions divergeaient, il m'a plantée avec mon vélo, m'a dit au revoir et est reparti, le tout sans couper son moteur. Joie, bonheur et exaltation !
Il m'avait dit qu'en direction d'Irkoutsk, il y avait un parking gardé avec motel où je pourrais dormir et chercher un autre camion pour l& suite. A mon avis, il n'en savait rien ! En sortie de ville (où je n'ai pas traîné : seule dans une ville inconnue après onze heures, j'évite !), dans une station service, on m'a dit que, non il n'y avait rien de tel ... Par nuit noire cette fois, sans avoir assez de visibilité pour aller plus loin et vraiment à l'écart des zones habitées, j'ai réussi à aller jusqu'à un petit café. La, j'essaie d'expliquer que je suis plantée là et demande si je peux y dormir sous la tente : "bien-sûr, vous pouvez dormir n'importe où ! mais ici, près du café ? ah non, pas ici, mais plus loin, oui ! Génial ! J'hésite à me poser à cinquante mètres, mais quand je vois les gars louches qui sortent, je décide d'aller plus loin, sans savoir où ... C'est comme ça que j'ai finalement improvisé une variante inédite : la nuit sur le terrain d'une station essence ouverte et surveillée 24h/24 ! ...  Les deux jeunes qui s'en occupaient étaient sympa ils m'ont apporté du thé quand je finissais de monter la tente et les caméras couvraient toute la zone, alors j'ai dormi sans crainte.
Ce matin, après un réveil un peu contraint (en camion, on passe d'un fuseau horaire à un autre bien plus vite qu'à vélo et les nuits raccourcissent d'autant !) et la gorge encore engoudronnée (beuark !!), je décide de revenir à l'autre option rejetée au départ : le train. J'espère être assez proche pour ne pas devoir prendre les grandes lignes compliquées avec le vélo. Ayant atteint finalement la gare après m'être à moitié perdue dans les quartiers terreux (à moitié seulement : je voyais les rails et entendant les annonces, mais comment aller à cette foutue gare ? !), j'essaie désespérément de comprendre les réponses morcelée par l'interphone (quelle ânerie !) et, après un moment, ça devient clair : par le train normal, il faudrait pouvoir plier le vélo ... plier Lulu ? Ca va pas, non ! Et l'erektpiyka ? A oui, c'est possible, mais dans sept heures et avec deux changements jusqu'à Irkoutsk ... Bon, ça ira, faudra bien ! Les guichetières ont du mal à y croire, mais si c'est la seule alternative au camion enfumé, entre 15 et 30 km/h sur routes incroyablement défoncées (et pourtant route fédérale donc principale, voire la seule !), ça vaut le coup d'essayer ! Et puis ça complètera la série passionnante des aventures de Lugu et Lulu à travers la Sibérie ! Accessoirement, ça me laisse aussi le temps d'écrire ...
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